Boustrophédon

Ce projet propose un voyage dans trois quartiers de l’agglomération lilloise.

Nous traversons les petits pavillons, les maison en briques, les usines, les zones à l’abandon, les maisons en construction.

Nous allons à la rencontre des habitants des quartiers de la Lionderie (Hem), de Bois Blanc (Lille) et de L’Union (Roubaix, Tourcoing). Ces trois quartiers, ont vécus les grandes mutations des siècles précédents.

 

«Attendez, vous détruisez toutes les usines, ok, il n’y a plus de travail, mais vous n’allez pas détruire en même temps nos logements, parce que nous irons où ? Et où sera notre histoire ?» (Un habitant de la rue Stephenson).

 

Les briques sont disposées de manière à dessiner un cercle. Chaque brique repose sur un axe motorisé qui tourne sur lui même. Parfois les briques tournent dans un sens, parfois dans l’autre. Il arrive qu’une ou plusieurs briques s’immobilisent.

Au-dessus de chaque cercle de briques, un haut parleur émet une bande sonore : paroles d’habitants, d’architectes, d’ouvriers en bâtiment et sons d’ambiance récoltés dans les trois quartiers.

Le haut-parleur est lui aussi en mouvement et ce dernier dessine une spirale au dessus des briques.

Un stylet est fixé sur chaque enceinte. Celle-ci transmet l’onde sonore au stylet. Et c’est le son qui commande le mouvement de gravure et d’écriture sur la brique.

Le stylet tape la surface des briques. ll oscille, tente de creuser les blocs de terre cuite. Il grave la bande sonore.

Ces traces sont des relevés « sismographiques » des quartiers : il ne s’agit pas de transcrire sur des objets les mouvements naturels des plaques terrestres mais d’inscrire sur de la terre cuite les tremblements, les vibrations, les secousses des voix. Ces voix d’hommes et de femmes relatent des histoires de constructions, de rénovations, de destructions, de décorations.

 

Les assyriens, autrefois, accompagnaient la construction de chaque palais d’un récit, nommé « récit de construction ». Chaque bâtisseur ou chaque restaurateur laissait, sous le monument, l’histoire de son édification. Il arrivait que les scribes gravent ces récits sur les pierres des fondations.

Ils étaient rédigés en vue pour que le souvenir demeure, même après que le temps ait fait son oeuvre et que les bâtiments soient réduits à l’état de ruine. Il fallait assurer la transmission de la description technique et détaillée de la construction de ces bâtiments.

 

Sur chaque brique de l’installation est ainsi gravé un fragment de la bande sonore. Le stylet repasse à plusieurs reprises au même endroit, les briques tournent dans un sens ou dans l’autre. Les tracés sonores, les histoires de construction, de destruction se superposent, s’accumulent, bifurquent se recroisent sans cesse. Mais ici c’est la parole et son «bredouillement » (Barthes) qui sont gravés à jamais. Une écriture du temps.

We have retrieved several dozen of bricks from three districts of Greater Lille. Those districts are at the heart of major economic and social changes since the 19th century and today face different rehabilitation projects. At the same time we collected the words of dozens of residents and local actors.

 

Each brick is based on a motorized axis that turns around. Sometimes the bricks turn in one direction, sometimes in the other. It happens that one or more bricks immobilized.

 

Above the circle of bricks, a loudspeaker transmits a soundtrack : words of residents, architects, of building workers and ambient sound collected in the three districts.

 

A computer hard drive head is attached to the loudspeaker. The soundtracks translated into binary language are transmitted in the form of electrical impulses. It’s the sound that controls the movement of burning and writing on the brick.